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"Les fonds ont été retirés parce que je travaille sur la recherche climatique": comment l’obscurité est tombée sur la science aux États-Unis

"Les fonds ont été retirés parce que je travaille sur la recherche climatique": comment l’obscurité est tombée sur la science aux États-Unis

Aucune subvention fédérale n’a financé son voyage en France. C’est en tant que "scientifique privée", qu’elle est à Nice. Présente pour participer à "la discussion sur ce qui arrive à l’Océan et ce que nous pouvons faire pour lui".

De cette chercheuse éminente, l’identité ne sera pas révélée. Après une longue hésitation, elle a choisi de ne pas donner son nom, pour pouvoir s’exprimer le plus librement possible. Spécialisée dans la biogéochimie marine, elle est en poste dans une grande université de l’ouest des États-Unis.

Ce qu’elle ne dit pas pendant l’entretien, c’est qu’elle a publié, en 30 ans de carrière, quelques centaines d’articles dans des revues scientifiques, et reçu plusieurs distinctions pour son apport aux sciences de la Terre et à l’océanographie. Mais cela, c’était avant.

"Du point de vue de mon université, je fais mon travail et j’ai le droit d’exprimer des faits scientifiques, de façon libre et équitable." Mais il n’y a aucun doute sur la cible que sa spécialité est devenue.

"Nous soutenons la science climatique, l’atténuation du changement climatique. Les fonds ont été retirés parce que je travaille sur la recherche climatique, et ce n’est plus autorisé."

3,2 millions de dollars coupés

Les subventions qui permettaient de faire tourner son laboratoire, 3,2 millions de dollars, sont parties en fumée. Dans le giron de la grande agence fédérale Usaid, elle collaborait à un autre programme, qui a également perdu tout financement, soit 20 millions de dollars.

Temporairement, il ne lui reste que la subvention versée au niveau de l’État démocrate dans lequel elle travaille. Jusqu’à avril 2026. Et après? "Tous mes étudiants, mes post-doctorants, mes techniciens de recherche, mes chercheurs invités, 25 personnes dans mon laboratoire, n’auront plus de financement."

Dans un sourire douloureux d’impuissance, elle ajoute: "Il y a beaucoup de changements qui se produisent actuellement. Donc, vous pouvez l’imaginer, je ne dors pas la nuit."

L’avenir de ses étudiants est sa "plus grande préoccupation". Avec des pans entiers de connaissance en train de devenir tabous, "l’avenir de la science aux États-Unis disparaîtra, parce que nous n’éduquons plus la prochaine génération de scientifiques".

Partir à l’étranger? "J’ai 25 personnes dans mon laboratoire. Que leur arrivera-t-il si je pars? Je ne peux pas transporter un laboratoire et 25 personnes vers un autre pays!", s’exclame-t-elle avec dépit.

En avril 2026, une fois les derniers financements épuisés, les instruments scientifiques qu’elle supervise, et qui "collectent des données", s’arrêteront. Comme la mesure d’émissions carbone dans des zones humides, dont "un tiers a disparu dans le monde". Pourtant, ces écosystèmes "nettoient l’eau, capturent le carbone et sont des pépinières à biodiversité".

Que le reste du monde continue

Trous dans les données et précipice pour l’avenir, qu’elle dit "désespéré". Le rythme du changement est aussi un énorme choc, preuve de "l’absence de réaction au sommet de l’État. Il n’y a aucune tentative pour arrêter cela", ajoute-t-elle, horrifiée.

Dans ce contexte, le congrès scientifique One Ocean qui s’est tenu à Nice, suivi du sommet politique de l’Océan, semble une parenthèse inouïe. "Cela me rend triste de voir qu’un pays qui était à la pointe de la recherche cesse de mener cet effort. Cela me donne de l’espoir de voir que le reste du monde continue."

Toute expression de soutien est précieuse. "Je tiens à remercier le peuple français pour son soutien à notre cause. Plus il y aura de gens qui utiliseront les hashtags #pourlascience, #pourleclimat, mieux on comprendra que c’est une perte, non seulement pour les États-Unis, mais pour le monde entier."

Son état d’esprit est-il à la résistance? Le mot qui lui vient est plutôt la protestation. Alors, elle termine de façon surprenante, par une citation de la rappeuse américaine Queen Latifah: "Il faut défendre ce en quoi on croit, et parfois, il faut rester seul."

Seule et debout, comme une femme, une scientifique et une Américaine, en l’an 2025.

Nice Matin

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